Connaissez-vous vraiment Super Enyeaman ?

Auteur de plusieurs nouvelles parades décisives ce dimanche à Evian TG (0-1), Vincent Enyeama se dévoile à travers sa riche carrière sous le maillot du Nigéria

Mercredi 25 mars dernier, Vincent Enyeama a sans doute disputé l’un des rendez-vous les plus importants de sa carrière. Peut-être pas le plus prestigieux, ni le plus marquant, mais ce match (amical) face à l’Ouganda (0-1) fut son centième sous le vert maillot des Super Eagles. L’occasion de revenir avec lui sur ces moments qui ont, brique après brique, bâti sa légende internationale, l’une des plus passionnantes du continent africain.

Vincent, bonjour. En 2002, tu effectues tes débuts en sélection à l’occasion de la Coupe du Monde. Bien que doublure, tu participes au troisième match contre l’Angleterre (0-0), suite aux deux premières défaites éliminatoires de ton équipe (contre l’Argentine, 1-0 et la Suède, 2-1). Que gardes-tu de cette première ?

Cela reste un très très grand souvenir, même si en réalité, il s’agissait de ma seconde sélection (il a joué un match de préparation contre le Kenya, quelques semaines plus tôt). L’ambiance, l’affiche : tout était incroyablement parfait. Surtout pour le jeune joueur que j’étais. J’ai ressenti beaucoup de fierté, d’autant que je n’ai pas encaissé de but. En face, il y avait l’une des meilleures équipes du monde avec Beckham, Rooney, Owen, Heskey, A.Cole, Seaman…

À l’époque, tu évoluais encore dans le championnat nigérian (à Enyimba). Comment as-tu vécu la différence de contexte ?

Je suis quelqu’un qui n’isole pas les événements, qui envisage les choses - et le football en particulier - comme un tout. À aucun moment je me suis dit : « Là c’est la Coupe du Monde, c’est plus important que ce que je vis au quotidien avec mon club ». Je joue simplement les matchs comme ils se présentent. Qu’importe l’ambiance, j’essaye d’avancer. Alors bien sûr, tout était plus grand, le stade, la qualité des joueurs, la compétition. Mais ça reste le même sport.

Deux ans plus tard, tu t’empares du statut de titulaire pour la CAN 2004. Décisif en quart contre le Cameroun (2-1), tu t’inclines en demi-finale contre la Tunisie (1-1, 5 tab à 3). Tu es malgré tout nommé meilleur gardien du tournoi. Un moment forcément marquant…

C’est vrai. Cette CAN 2004 fut ma première grande compétition internationale, même si j’avais déjà remporté la Champions League africaine en 2003 (puis quelques mois plus tard, en 2004) avec Enyimba. J’ai tiré beaucoup de fierté et de satisfaction d’avoir été élu meilleur goal de la compétition devant de grands gardiens comme Carlos Kameni, notamment. Je l’ai vécu comme une étape importante.

En 2006 et 2010, le scénario se répète. Après une qualification en quart (contre la Tunisie, 1-1, 6 tab à 5, puis la Zambie, 0-0, 5 tab à 4), le Nigéria s’incline à chaque fois en demi-finale (face à la Côte d’Ivoire, 0-1, puis au Ghana, 1-0). Décidément, tu n’étais pas verni dans cette compétition.

C’est vrai que nous sommes souvent sortis en demi-finale. Ça a toujours été une grande déception. Je l’ai vraiment analysé comme de la malchance, mais je n’ai jamais été résigné. Remporter la CAN a toujours constitué un objectif, un rêve d’enfant même. Et puis surtout parce qu’il ne me manquait plus que ça pour avoir tout remporté sur le continent africain. Je gardais donc cet espoir au fond de moi.

À la Coupe du Monde 2010, tu es, malgré la défaite, à nouveau héroïque contre l’Argentine (0-1), repoussant toutes les tentatives de Lionel Messi. Logiquement, le titre d’homme du match t’es décerné, tandis que Diego Maradona (alors sélectionneur argentin) te félicite chaudement. Qu’as-tu ressenti à ce moment ?

(il rigole) Diego Maradona a été le plus grand joueur du monde. Obtenir des compliments de sa part est quelque chose d’extrêmement gratifiant. Il n’y en a pas deux comme lui, il est unique. Dans le football, tout le monde le respecte. Sur le coup, je me suis dit : « Si Maradona le dit, alors c’est qu’il a raison ». Cela a beaucoup compté pour moi. Même si j’ai réalisé d’autres bons matchs dans cette Coupe du Monde, ça m’a vraiment fait quelque chose de recevoir ces éloges.

En 2013, ton rêve devient enfin réalité, tu remportes la CAN face au Burkina Faso (1-0). Et tu es à nouveau désigné meilleur gardien du tournoi… On imagine ta joie encore plus intense…

(il éclate de rire). Tu veux parler de ma célébration ? (au coup de sifflet final, il avait enlacé les jambes de l’arbitre, comme pour le soulever). Gagner un trophée n’est pas quelque chose qui arrive par hasard, ça se mérite et c’est toujours intense, en club comme en sélection. Mais cette fois-là, mon plaisir a été multiplié par cinq ou dix, c’est vrai ! Je pouvais enfin caresser cette Coupe d’Afrique des Nations, après cinq participations. Je l’ai vécu comme un aboutissement, un grand sentiment de… (il pousse un long souffle de soulagement). On réalise soudain que : « Ça y est, c’est fait, je l’ai dans mon palmarès ! »

Passons à un plan plus personnel. Comment expliques-tu ta capacité à stopper régulièrement penalties et tirs au but ?

(sans hésiter) C’est d’abord grâce à Dieu. Ensuite, il y a du travail, beaucoup de travail pour essayer de les arrêter. Je dis essayer car ce n’est pas facile. C’est ça le secret, le travail. Mes statistiques sont bonnes sur penalty ? Peut-être, mais cela ne vient pas tout seul. Je suis en permanence en train de me placer dans l’esprit du tireur, de me tenir prêt au moment de sa frappe. Je bosse tout simplement pour être le meilleur possible.

À la Coupe du Monde 2014, tu parviens à garder ta cage inviolée lors des deux premières rencontres (Iran, 0-0 et Bosnie, 1-0). Qualifié, le Nigéria plie finalement en huitième de finale contre la France (0-2). Est-ce tout de même un moment marquant ?

Si vous saviez à quel point j’ai voulu le gagner ce match contre la France. Mais on l’a perdu, c’est la vie (il se reprend), enfin c’est le football. Tu rêves, tu espères, mais quelque chose d’autre se produit. Ce n’est donc pas un souvenir fort de ma carrière. Je réserve ce terme pour les victoires. Mais c’était un grand match, c’est vrai.

Tu viens de vivre ta centième cape avec les Super Eagles. Peut-on parler d’un sentiment de fierté ?

Oui, bien sûr. Très peu de gens dans ce monde ont pu jouer à cent reprises sous le maillot de leur sélection nationale. Que ce soit en France, au Nigéria ou ailleurs, nous ne sommes pas nombreux à avoir atteint ce cap. C’est un très grand prestige, un immense honneur de pouvoir représenter autant de fois votre nation. Cela veut dire que votre pays vous veut, vous apprécie. (Il marque un temps d’arrêt) Qu’il vous aime.

Sais-tu qui est le recordman du nombre de sélections avec le Nigéria ?

Actuellement, je dois être le joueur le plus capé, à égalité avec Joseph Yobo (certaines sources accordent toutefois 101 sélections à l’ancien Marseillais). Je suis toujours actif en équipe nationale, j’en suis même le capitaine. Je serai donc amené à m’emparer tout seul de ce record. Mais pour moi, ce n’est pas un rêve, ni même un objectif. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est pouvoir écrire une page de l’histoire du football nigérian. Et ça, je pense l’avoir accompli avec mon équipe en remportant la CAN.

Un grand merci à Vincent Enyeama (@vinny2908 sur Instagram) pour sa disponibilité.


Vincent Enyeama

Né le 29/08/1982 à Aba (32 ans)

1m82, 87kg

Clubs : Akwa Ibom Stars (1998-2001), Enyimba International FC (2001-2004),  Iwuanyanwu Nationale (2004-2005), Bnei Yehudah Tel Aviv FC (2005-2007), Hapoël Tel Aviv (2007-2011), LOSC (2011-2012), Maccabi Tel Aviv (2012-2013, prêt), LOSC (depuis 2013)

International Nigérian (100 sélections)

Palmarès :

- Vainqueur de la CAF Champions League (2003, 2004)

- Vainqueur de la Super Coupe de la CAF (2004)

- Vainqueur du championnat israélien (2010, 2013)

- Vainqueur de la Coupe d'Israël (2010, 2011)

- Vainqueur de la Coupe d'Afrique des Nations (2013)