Michel Seydoux : "René Girard réalise un travail remarquable !"

En un peu plus de deux mois de compétitions officielles, le LOSC a déjà disputé la bagatelle de 15 matchs. Alors, au moment de la trêve internationale du mois d’octobre, LOSC.fr est allé à la rencontre de Michel Seydoux pour dresser avec lui un premier bilan de ce début de saison des Dogues. Le PDG lillois nous livre toute son analyse et ses sentiments dans ce long entretien…

Président, bonjour. Profitons de cette pause internationale pour analyser le début de parcours  du LOSC dans cet exercice 14-15 : quel regard portez-vous sur les performances de votre équipe ?

Écoutez, le premier constat est que les résultats du LOSC sont à la hauteur de mes attentes. Après neuf journées de championnat, et alors que notre équipe enchaîne des matchs tous les trois jours, notre club occupe une très belle quatrième place au classement. Nous nous situons dans un bon temps de passage, similaire à celui de nos principaux concurrents. Hormis le PSG qui n’évolue pas dans la même catégorie que les autres, seuls Marseille et Bordeaux, deux formations qui ne jouent pas de compétitions européennes, nous devancent. Et ce n’est sans doute pas un hasard…

Vous voulez dire que l’Europa League complique les performances en championnat ?

Disputer la coupe d’Europe est un objectif majeur et les compétitions européennes sont extraordinaires à jouer. Nous y avons vécu, avec nos supporters, des instants et des émotions magnifiques, des performances mémorables. C’est important en termes d’image et au niveau économique. Je ne suis donc pas en train de dire que l’Europa League est nuisible, au contraire. Par contre, les clubs français n’ont pas les moyens de dimensionner leurs effectifs pour se garantir d’être performants sur les deux tableaux. Au déficit de moyens économiques s’ajoute l’accumulation des matchs, et c’est ça qui pose problème. Aujourd’hui, les joueurs du LOSC comptent déjà, après deux mois de compétition à peine, 6 matchs de plus que la majorité de leurs adversaires. Et ça, ça se sent et ça se paie quand vous arrivez à Lyon, au terme d’une série de 7 matches en 21 jours et trois jours après un match européen à Wolfsburg… Ce n’est en aucun cas une excuse, c’est une explication et une réalité ! En dehors du PSG, les équipes françaises ne sont pas taillées pour performer dans les deux compétitions en même temps. Regardez l’OM et l’OL par exemple la saison dernière qui ont payé toute la saison leur débauche d’énergie en coupe d’Europe et qui au final n’ont pas atteint leurs objectifs. Et soyez certains qu’il ne s’agit pas d’un manque d’ambition, ce serait très mal connaître le football que de dire ça. Non, c’est une réalité liée aux moyens et aux effectifs des clubs français.

Le LOSC, avec deux nuls en deux rencontres, conserve néanmoins toute ses chances de qualification pour la suite de la compétition européenne…

Oui, on donne le meilleur et nous sommes toujours en course pour nous hisser en phase finale, dans un groupe au niveau très relevé. Entre Wolfsburg, Everton et l’équipe méconnue, Krasnodar, qui sera elle aussi un candidat sérieux aux places qualificatives, nous ne sommes pas vraiment épargnés. Dans ce contexte, notre résultat à Wolfsburg (1-1) était très satisfaisant, d’autant qu’il nous manquait 4 titulaires. Nous sommes sans cesse dans l’obligation de surperformer pour exister dans cette compétition, face à des clubs qui possèdent – et on ne le dit pas assez souvent – des budgets et des masses salariales bien supérieurs aux nôtres. Il faut arrêter de se mentir : certes les moyens financiers ne font pas tout mais je peux vous assurer que ça fait énormément quand même ! Je suis très fier que les gars, bien que malmenés, aient trouvé l’énergie et la force mentale nécessaires pour revenir avec un bon point d’Allemagne.

Finalement, les résultats sont plutôt bons et vous pouvez vous en satisfaire … ?

Complètement. Malgré les efforts en termes de budget et de masse salariale auxquels nous avons dû consentir cet été, la performance et les résultats comptables sont en rendez-vous ! La feuille de route que j’ai fixée à René n’est pas simple : l’équipe est jeune, a perdu son meilleur buteur… et nous essayons cependant de conserver des objectifs stables et ambitieux. C’est ce que je demande et que j’apprécie en tant que président à tous mes collaborateurs : surperformer. Faire un peu plus avec un peu moins… En ce sens, je suis pleinement satisfait du boulot réalisé par René Girard. Je regrette que son travail et celui de l’équipe ne soient pas toujours reconnus à leur juste valeur. C’est dû à la méconnaissance de l’homme, à de l’ignorance ou au désintérêt de la réalité du football, à une analyse très superficielle de notre activité. Mais nos supporters ne s’y trompent pas et sont toujours extrêmement nombreux à venir soutenir l’équipe et chanter chaque soir de match. Je tiens une nouvelle fois à les en remercier.

C’est le style de jeu de l’équipe qui est critiqué. Qu’avez-vous justement à en dire ?

L’environnement est très exigeant et par conséquent un peu critique avec le LOSC aujourd’hui. Si je devais positiver, je dirais que c’est une forme de reconnaissance. J’entends dire que le LOSC joue moins bien en ce début de saison, que le spectacle est moins flamboyant que le LOSC champion en 2010-2011… Je serais aveugle si je disais le contraire et par conséquent ces critiques, je les accepte. Mais au-delà du simple constat, et si l’on veut être tout à fait honnête, objectif et professionnel, il faut aussi dire et comprendre pourquoi ! Le football français traverse une crise très grave, ses revenus stagnent, ses charges s’alourdissent, et le fossé avec les concurrents européens, mieux armés et organisés et qui ne subissent pas les mêmes taxes que nous, se creuse gravement. Il faut le dire ! La qualité du spectacle est une résultante directe de cette crise structurelle. J’ai lu que 3 ou 4 des meilleurs buteurs de la L1 de la saison 2013-2014 avaient encore quitté le championnat cet été… C’est un signe évident non ? Nous, nous avons perdu un buteur expérimenté de 29 ans à 15 buts par saison et c’est un jeune espoir de 20 ans qui est arrivé ! Faire des constats sans pointer du doigt les raisons, c’est être aveugle et irresponsable. Trop peu de personnes en parlent, ou agissent, mais le football français se dirige tout droit vers la 3e division du football européen… C’est dommage que nous n’ayons que trop rarement ce niveau d’analyse.

Pour revenir au LOSC et indépendamment de ce contexte économique, comment expliquer ces difficultés offensives puisque c’est là que le bât blesse aujourd’hui ?

Oui, notre équipe n’est pas suffisamment performante offensivement en ce début de saison.  Pourtant, objectivement, notre schéma de jeu est plutôt offensif, avec au minimum trois ou quatre joueurs clairement portés vers l’attaque. Et s’il suffisait d’être ambitieux pour marquer plus de buts, ça se saurait. Non, le problème est que les joueurs expérimentés partent régulièrement et nous nous retrouvons avec un effectif très jeune, particulièrement dans le secteur offensif (Origi, Frey, Lopes…qui ont à peine 20 ans). L’accumulation des matches nous oblige également à un turnover qui ne nous permet pas de trouver rapidement les automatismes. Et quand à cela s’ajoute en plus des pépins physiques en cascade (ndlr : 8 joueurs étaient forfaits face à l’OL), la qualité s’en trouve forcement affectée. La trêve internationale arrive à point nommé pour les blessés et je suis convaincu qu’on va conserver notre rendement comptable actuel tout en continuant à progresser dans le jeu avec l’expérience acquise match après match. J’en profite quand même pour rappeler que le secteur défensif fait aussi partie du jeu ! Nous possédons de très grosses qualités défensives – ce qui ne signifie pas que nous sommes une équipe défensive, ce serait un raccourci très simpliste – qui constituent un socle solide pour construire et avancer. On s’appuie donc logiquement sur cette base et le contraire serait une erreur. Maintenant, nous devons aussi retrouver de l'efficacité offensive, c’est certain.

On imagine que le staff sportif y travaille quotidiennement…

Bien sûr, et j’ai toute confiance dans le travail de René. Il a prouvé ses qualités par le passé, il les a prouvées au LOSC la saison dernière avec cette exceptionnelle troisième place. Vous savez, le travail d'un coach et de son staff est de tirer le meilleur de ses joueurs avec les moyens mis à disposition. Et en ça, ce que réalise René est tout à fait remarquable ! Il obtient les meilleurs résultats possibles, en trouvant le juste équilibre entre les forces et les faiblesses de notre effectif. Et si sur un banc de touche, René est bouillonnant, c’est quelqu’un avec qui il est très facile d’échanger au quotidien. Il est très à l’écoute et apprécié de tous.

Pour conclure, vous êtes donc optimiste et ambitieux pour la suite de la saison ?

Je suis de nature optimiste ! Et puis finalement, malgré la morosité ambiante, j’ai un tas de raison d’être optimiste pour la suite de cette saison. Si on continue à travailler et à progresser, si on conserve les mêmes valeurs de combativité et de solidarité, le même esprit d’équipe, l’excellente atmosphère qui règne au sein du groupe, alors il n’y a aucune raison d’être inquiet. L’ambition, c’est l’essence même de la compétition. Mon travail est aussi de mettre nos ambitions en adéquation avec les moyens à notre disposition. J'attache beaucoup d'importance au spectacle, vous le savez. Mais dans une compétition et en tant que chef d’entreprise, j'en attache encore plus à la performance. Et en cela, je suis satisfait.

Merci Michel Seydoux.