Pierre-Alain Frau : "Une place à part dans mon coeur"

À l’heure de la retraite, Pierre-Alain Frau se souvient de ses années lilloises.

Après Stéphane Dumont et Mickaël Landreau, un troisième Dogue de la "génération 2011" a définitivement raccroché sa paire de crampons. À 34 ans, Pierre-Alain Frau a tiré un trait sur une carrière qui l’aura vu disputer 337 matchs et marquer 85 buts en Ligue 1 (95 apparitions et 21 réalisations avec le LOSC). Depuis cet été, PAF a intégré le centre de formation du FC Sochaux-Montbéliard en tant qu’éducateur. Il nous parle de cette nouvelle vie, tout en ne manquant pas de se rappeler aux bons souvenirs de ses années lilloises.

Pierre-Alain, bonjour. Depuis cet été, tu es entré dans la catégorie des retraités du football. Comment abordes-tu cette nouvelle vie ?

Plutôt bien. Je dois avouer que le rythme change un peu, même si je reste au contact du terrain au quotidien. Sauf qu’aujourd’hui, je ne suis plus celui qui court, mais celui qui tient le sifflet. Ça change tout (sourire). Cela m’a fait tout drôle au départ, puisqu’il s’agit de ma première saison sans préparation physique. Après, j’avoue que cela été un soulagement…

Vraiment ?

Oui, je souffrais du tendon d’Achille depuis pas mal d’années. Cela devenait même invivable. J’étais diminué. Il existait donc une réelle envie de souffler, de laisser mon corps se reposer. Mentalement, j’avais encore l’envie de jouer, sauf qu’à un moment donné, il faut savoir dire stop.

Avais-tu déjà réfléchi à l’après-carrière ces dernières années ?

Je voulais rester dans le foot. En revenant à Sochaux, j’ai bouclé la boucle comme joueur au sein du club qui m’a lancé. Et quand le projet d’encadrer les jeunes m’a été proposé, je l’ai perçu comme une suite logique. Tout s’est déroulé naturellement. J’ai moi-même été dans la peau de ces gamins qui veulent devenir professionnel. J’ai donc un vécu à leur apporter.

Comment s’organisent tes nouvelles fonctions ?

La semaine, je travaille au sein du centre de formation du FCSM avec la CFA et les U19. Le week-end, j’enfile ma casquette d’entraîneur des U13. Je m’éclate vraiment, même si c’est très différent de ce que j’ai vécu. Footballeur est un métier dont l’approche est assez individualiste. On est concentré sur sa propre performance, sur son corps. En tant que coach, il faut davantage penser à l’ensemble. Je passe par exemple beaucoup de temps à préparer mes séances.

Revenons maintenant sur ce que tu as vécu ces seize dernières années. Lorsque tu repenses à ta carrière, quel bilan en tires-tu ?

Je me dis déjà que j’ai eu la chance d’accomplir une longue carrière bien remplie, avec des titres et des émotions à la clé. J’aurais pu mieux faire, c’est vrai. Mais elle aurait aussi pu être pire. J’ai eu l’opportunité d’évoluer dans de grands clubs, avec des contextes, pressions et publics différents de ce qui existe dans les écuries moyennes. J’ai aussi joué plusieurs fois la coupe d’Europe. Quand je vois que plusieurs anciens partenaires du centre de formation ont réalisé des parcours chez les amateurs, je me dis que le miens est plutôt honorable.

« Très franchement, je ne garde que de bons souvenirs de mes années lilloises. »

 

On imagine que ces joueurs-là n’étaient d’ailleurs pas forcément moins bons que toi à l’époque…

Si, si, j’étais largement plus fort qu’eux (il éclate de rire). Non, plus sérieusement, tu as raison. Certains étaient même meilleurs, mais n’ont pas eu la chance de percer. La chance, les blessures, les choix de carrière… On se rend compte que tout bascule très vite d’un côté ou de l’autre.

As-tu néanmoins le regret de n’avoir jamais connu une expérience dans un grand championnat européen ?

Non, j’ai même toujours privilégié le fait d’évoluer dans un bon club français, plutôt que dans une équipe moyenne à l’étranger. Et puis je me dis que si aucune offre n’est venue, c’est que je n’avais pas le niveau pour, tout simplement. Après, je n’aurais pas craché sur une saison au Real Madrid ou à Manchester United (il sourit). Je n’ai pas de regrets. Ce niveau-là, je ne l’ai jamais atteint.

Au cœur de cette riche carrière, tu as passé trois ans et demi au LOSC. Qu’en retires-tu ?

Que de belles choses. Très franchement, je ne garde que de bons souvenirs de mes années lilloises. Je regrette même que cette période fut trop courte. J’aurais voulu la faire durer un peu plus car je me plaisais vraiment dans le Nord. J’y ai rencontré des personnes superbes et vécu de grands moments. J’avais aussi la chance d’avoir une bonne relation avec le public. Parmi tous les clubs dont j’ai porté le maillot, le LOSC gardera une place à part dans mon coeur, c’est certain.

Tous les joueurs ayant vécu ce doublé 2011 nous parlent systématiquement d’aventure humaine incroyable. Tu partages ce sentiment ?

(sans hésiter) Oui. Nous étions une belle bande de copains. Connaître une telle saison est déjà quelque chose de fantastique. Alors quand la chance t’es donnée de vivre ces moments avec un tel groupe, dans lequel existe une vraie osmose, c’est unique. Ces moments partagés resteront inoubliables.

Aurais-tu pensé accomplir une telle carrière ?

Pour être tout à fait franc, non. Mon rêve de gosse était de devenir pro à Sochaux pour un jour jouer en Ligue 1. Cette perspective était déjà énorme pour moi. Celui-là, je l’ai donc réalisé. D’autres ambitions sont ensuite venues se greffer, comme celle de jouer dans un grand club ou de porter le maillot de l’Équipe de France.

À ce propos, rappelons que tu as été convoqué deux fois chez les Bleus…

Oui, mais je ne suis jamais entré en jeu. C’est à la fois une satisfaction d’avoir pu vivre deux rassemblements internationaux de l’intérieur et d’être appelé, car cela représente le must pour tout joueur français. En même temps, j’aurais aimé participer, croquer dedans ne serait-ce qu’une minute. Je ne me considère donc pas comme un international… même si j’ai gardé les équipements (rires).

Avant de se quitter, revenons sur ta relation avec les supporters du LOSC. Te considérais-tu comme le "chouchou" ?

Non, on ne peut pas dire ça car d’autres joueurs étaient bien plus aimés que moi à l’époque. Et à juste titre. Disons que j’étais apprécié. Je m’en suis encore rendu compte la saison dernière lorsque que je suis venu jouer à Lille avec Sochaux (2-0, le 08/02/14). J’ai reçu un accueil incroyable de la part du public. Cela m’a marqué car je n’avais jamais connu cela dans mes anciens clubs. Même lorsque je revenais à Sochaux. Ce moment-là, je ne suis pas près de l’oublier. D’autant qu’il y avait Flo (Balmont), Rio (Mavuba) ou Franck (Béria) à mes côtés qui m’ont associé à eux lorsque nous sommes allés saluer les supporters à la fin du match. Cela restera un moment fort.

Tout comme celui d’avoir pu fouler cette pelouse du Stade Pierre Mauroy ?

C’était là aussi une satisfaction, c’est vrai, car je suis parti en 2011, un an avant la livraison de cette nouvelle enceinte. Je me souviens qu’à l’époque, nous avions été visiter le chantier. J’étais extrêmement déçu car je savais au fond de moi que je ne serais plus Lillois au moment d’entrer dans ce stade. Je suis donc vraiment content d’avoir pu jouer à l’intérieur. Même si c’était sous les couleurs de Sochaux.

Merci Pierre-Alain. Bonne continuation dans les nouveaux défis qui s’ouvrent à toi.

Pierre-Alain Frau

Né le 15/04/1980 à Montbéliard (25)

Attaquant

Clubs successifs : FC Sochaux-Montbéliard (1997-2004), Olympique Lyonnais (2004-dec 2005), RC Lens (déc 2005-juin 2006), Paris Saint-Germain (2006-jan 2008), LOSC (jan 2008-juin 2011), Stade Malherbe Caen (2011-2012), Al-Wakrah Sport Club (2012-2013), FC Sochaux-Montbéliard (nov 2013-juin 2014)

Palmarès : Champion de France (2005, 2006, 2011), Vainqueur de la Coupe de France (2011), Vainqueur de la Coupe de la Ligue (2004), Champion de France Ligue 2 (2001), Vainqueur du Trophée des Champions (2004, 2005)