Joël Henry : "Au LOSC, je suis devenu adulte"

Tourné vers l’avenir, le LOSC n’en oublie pas moins son passé. Cet héritage, le club lillois le puise dans les anciens joueurs qui ont écrit son histoire. À échéance régulière, LOSC.fr donne la parole à un ex-Dogue. Cette semaine, le site officiel du club losciste est parti à la rencontre de Joël Henry

À 16 ans, pendant que ses camarades profitaient de leur douce adolescence sur les bancs du lycée, lui étrennait le maillot du LOSC chez les pros. Joël Depraeter-Henry était ce qu’il convient d’appeler un footballeur précoce. Et talentueux, en plus. Lillois entre 1978 et 1983, celui qui a aussi porté les maillots bastiais, nantais, brestois ou niçois (pour plus de 300 matches en première division) n’a pas oublié son club formateur, là où tout a commencé. Il raconte.

Joël, bonjour. Comment allez-vous ?

Très bien, merci. C’est agréable d’avoir quelques nouvelles du LOSC…

…Un club dans lequel vous êtes arrivé très jeune. On peut même dire que vous n’étiez encore qu’un enfant.

(il sourit) C’est vrai, j’ai débarqué au LOSC à l’âge de 14 ans en intégrant le centre de formation pendant un an, avant de participer à l’inauguration des nouveaux locaux de Grimonprez-Jooris. Ma venue ? Je la dois à Michel Vandamme, le père de Jean-Michel (aujourd’hui Conseiller Sportif du Président), avec qui je jouais à Armentières. Il est allé me chercher dans mon tout premier club : Erquinghem-Lys.

Et deux ans plus tard, vous signiez pro. Fulgurant, n’est-ce pas ?

Un peu, oui. J’ai intégré le groupe professionnel à 16 ans et quatre mois. C’était une chance assez incroyable de vivre une telle aventure, un an à peine après mon entrée au centre de formation. J’ai franchi les étapes les unes après les autres dans une ambiance de travail formidable.

Cette évolution n’a-t-elle pas été trop brutale à vivre ?

Au contraire, j’ai tout de suite été intégré par le groupe. Je me souviens d’ailleurs parfaitement du jour où j’ai déménagé mes affaires du vestiaire amateur à celui des pros. Ce moment a véritablement marqué pour moi le passage vers le monde des adultes. Vous vous rendez compte ? J’avais l’opportunité d’évoluer aux côtés de joueurs que j’encourageais encore depuis les tribunes quelques jours auparavant.

Votre premier match, vous vous en souvenez ?

(il affiche un large sourire) Comment l’oublier ? J’ai connu mon baptême du feu lors d’un Nantes-LOSC, et comme titulaire, en plus. Quelle fierté, quelle joie d’affronter des grands noms du foot français comme Loïc Amisse ou Henri Michel, pour ne citer qu’eux.

On imagine que vous suivez encore les performances des Dogues. Que pensez-vous de l’évolution du club à travers les années ?

Elle est fantastique ! Je suis aujourd’hui un peu déconnecté du monde du football, mais en découvrant le Domaine de Luchin, j’ai été bluffé. Sur le moment, j’ai eu une étrange impression au fond de moi, un peu comme à l’époque de l’arrivée de la télé couleurs à laquelle nos parents n’osaient pas rêver quand ils regardaient le petit écran en noir et blanc !

Vraiment ?

Oui, mais il faut savoir qu’à mon époque déjà, nous étions ravis de nos conditions. On jouait au baby-foot ou au ping-pong, les profs venaient spécialement pour nous faire travailler. En résumé, on pratiquait le sport qu’on aimait tout en poursuivant nos études… Pour nous, c’était le luxe. Aujourd’hui, le LOSC est encore passé dans une autre dimension. Les structures, le centre d’entraînement, le stade : tout est hors-norme !

« Je suis et je resterai supporter lillois. Il n’y a aucun doute là-dessus ! »

Ce Grand Stade, vous l’avez d’ailleurs découvert à l’occasion de LOSC-Bastia (0-0). Un joli clin d’œil à votre histoire personnelle, puisque vous avez également porté le maillot du club corse…

L’anecdote est belle, c’est vrai. J’ai passé une saison formidable au SC Bastia où j’avais été prêté. C’était en 1981, nous avons d’ailleurs remporté la Coupe de France, cette année-là. Autant dire que ce fut une aventure mémorable. J’aurais tant aimé la prolonger et disputer la coupe d’Europe là-bas. Car tout le monde au club m’avait adopté, des joueurs aux supporters, en passant par les dirigeants. Mais je suis rentré à Lille. J’ai un peu boudé, c’est vrai (il éclate de rire) ! C’était un caprice d’adolescent, tout est rapidement rentré dans l’ordre. Et aujourd’hui, je suis et je resterai supporter lillois. Il n’y a aucun doute là-dessus !

D’autant que vous venez de vous affilier à l’association des Anciens Dogues. Un geste symbolique, d’après vous ?

Je suis Nordiste, natif d’Armentières et le LOSC est mon club formateur. Même si je me trouve aujourd’hui un peu éloigné géographiquement, il était important de prendre part à cette organisation. Elle reflète la volonté de Michel Seydoux de faire vivre et de perpétuer la mémoire losciste. Je lui tire un grand coup de chapeau pour cette initiative, ainsi qu’à Patrick Robert et Michel Castelain qui ont donné vie à ce projet. Malheureusement, ma vie de famille à Limoges m’empêche de me déplacer aussi souvent que je le voudrais dans le Nord.

À ce propos, quelle place occupent les ex-joueurs lillois dans la vie du LOSC, aujourd’hui ?

Nous bénéficions d’une certaine reconnaissance et avons la possibilité de nous retrouver au Domaine de Luchin ou au Grand Stade les soirs de match. Finalement, cela revient à offrir une petite part du gâteau aux anciens qui ont apporté, chacun à leur manière, leur pierre à l’édifice. On a nous aussi fait partie de cette aventure, même si le mérite revient aux dirigeants et joueurs actuels, naturellement.

Avant de nous quitter, qu’aimeriez-vous dire aux supporters lillois qui ne vous ont pas oublié ?

Que j’ai énormément apprécié la proximité qui existait avec eux. En tant que joueur du cru, j’ai entretenu une relation privilégiée avec le public qui me l’a bien rendue en étant toujours derrière moi. Des amoureux du LOSC, j’en connais encore un paquet ! Je passe donc un grand bonjour à tous ceux de ma génération, mais aussi aux fans d’aujourd’hui…et de demain.

Le souvenir de Patrick Robert *

« En juin 1980, les dirigeants lillois cherchent à recruter le Marocain de Bastia, Abdelkrim Merry Krimau. La transaction consiste à inclure le prêt d’un joueur stagiaire lillois d’à peine 19 ans : Joël Henry. Sur place, celui qui a changé de nom à l’été 1979 (de Depraeter, il est devenu Henry) tombe littéralement amoureux de l’Ile de Beauté. La victoire bastiaise en Coupe de France (2-1 contre Saint-Étienne) ponctue une brillante saison individuelle et collective. S’il traîne d’abord un peu des pieds pour revenir dans le Nord, l’intéressé respecte finalement les termes de son contrat et retrouve son club formateur. »

*Président du LOSC Association et des “Anciens Dogues”

Joël Henry

Né le 19/04/1962 à Armentières (59)

Milieu de terrain

Clubs successifs : Erquinghem-Lys, LOSC, Bastia (prêt), LOSC, Brest, Nice, Toulon, Nantes, Limoges

International Espoirs

Palmarès : Vainqueur de la Coupe de France 1981