​Que deviens-tu, Túlio De Melo ?

PAR MAXIME POUSSET
 
Pour beaucoup de Lillois, il restera « l’homme de Copenhague », l’auteur de ce fameux but qui offrit au LOSC la Champions League, la première au Stade Pierre Mauroy, en 2012. Mais derrière son mètre 93, Túlio de Melo est avant tout un homme attachant et attaché à son club de cœur : le LOSC. On l’a appelé, histoire de revenir (longuement) avec lui sur les moments qui ont jalonné son intense carrière. 

19 ans, le grand saut vers l’Europe

« En 2004, j’ai quitté le Brésil pour le Danemark, ma première expérience européenne. Ce qui m’a tout de suite frappé, c’est le changement climatique. J’arrivais de Santa Cruz, dans l’état de Pernambuco, l’un des endroits les plus chauds du pays où il fait constamment 40°C, pour me retrouver brutalement plongé dans des températures avoisinant les -20°C. C’était donc vraiment difficile. Malgré tout, j’y ai vécu une expérience fantastique dans un pays très froid, mais vraiment accueillant et très développé, où il existe peu de différences sociales entre les gens. Sauf qu’après cette saison, les dirigeants de l’Atlético Mineiro, le club auquel j’appartenais encore, et ceux d’Åalborg n’ont pas trouvé d’accord. On m’a donc demandé de rentrer au Brésil. Chose qui était inenvisageable pour moi. J’ai même dû aller jusqu’à menacer d’arrêter le foot pour obtenir le droit de rester en Europe, là où je rêvais de percer. »



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Le Mans, puis le Calcio… Ou pas

« C’est là que l’opportunité de rejoindre Le Mans s’est présentée via Mikkel Beck, un agent que vous connaissez bien à Lille, puisqu’il est ancien joueur du club. Je lui ai envoyé un DVD de mes matchs et le MUC72, qui venait d’être promu en L1, a voulu me voir à l’essai. J’ai vite signé un contrat. Après trois belles saisons (72 matchs, 22 buts), j’avais pas mal de propositions et j’ai choisi de signer à Palerme, en Italie. Le challenge m’intéressait et le coach, Francesco Guidolin, me voulait vraiment. Sauf qu’il a été licencié quelques mois avant mon arrivée. Le projet a changé et ne correspondait plus à celui qu’on m’avait vendu. L’info est arrivée aux oreilles de Rudi Garcia, mon entraîneur au Mans, de qui j’étais très proche et qui venait de signer au LOSC. Il m’a demandé si j’étais intéressé par l’idée de le rejoindre. Je n’ai pas hésité une seconde. »

 

Au LOSC ? Des débuts rêvés, et puis…

« J’arrive au LOSC à l’été 2008, tout se passe bien, je marque même un doublé contre Auxerre (3-2, 20/09/08), mais après quelques mois, je me blesse sérieusement au genou et rate quasiment tout le reste de la saison. (il réfléchit) Je regrette vraiment toutes ces blessures que j’ai pu avoir à Lille, parce que je pense qu’avec une certaine continuité, les choses auraient sans doute été différentes. Vous savez, un joueur convalescent s’entraîne deux fois plus que les autres. Ça a donc forgé mon caractère, ma grinta. Je peux te dire qu’après ta troisième blessure, tu sais que plus rien ne t’arrêtera. Quoi qu’il en soit, le LOSC est et restera un club spécial pour moi. D’abord parce qu’il est celui dans lequel j’ai le plus joué (136 matchs, 30 buts en 6 saisons). J’y ai gagné des titres et je m’y suis fait de vrais amis, des gens avec qui je parle encore aujourd’hui. Cette génération 2011 est liée pour la vie. Dans 30 ans, on en reparlera encore, on se souviendra de cette saison. »



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Copenhague, un but, une émotion pour l’éternité

« À titre personnel, je ne pourrais jamais oublier mon but contre Copenhague (2-0, a.p, 29/08/12) en barrage de Champions League. Il nous a qualifiés pour la phase de poules. C’était "le but à 15M€", comme on l’a appelé à l’époque (sourire). Il était très important pour le club, mais aussi pour nous, les joueurs, car il nous a permis de valider notre travail, notre objectif de toute une saison, les efforts que nous avions faits, nos souffrances. Tout ça, ça s’est joué sur un match, sur un but. L’émotion a donc été immense. Je me souviens encore du bruit, de la frénésie dans le stade au moment où le ballon entre dans les filets. Ça m’avait donné la chair de poule. Sur le coup, tu sens que tu viens de réaliser quelque chose d’important. » 

 

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Le LOSC 18-19 ? Fantastique !

« Bien sûr que je garde encore un œil sur le LOSC et je suis vraiment heureux de le voir accomplir une très grande saison. Le championnat de France a beaucoup changé avec la suprématie du PSG. D’un côté, c’est une très belle vitrine pour la Ligue 1, car elle n’a jamais été autant regardée dans le monde, mais de l’autre, ça enlève un certain suspense. J’ai connu la domination de l’OL, mais ensuite, tout était assez ouvert. Bordeaux, Marseille, Lille, puis Montpellier ont été sacrés champions, tout était donc possible chaque année. Le LOSC de cette saison est fantastique et le mérite est d’autant plus grand que la saison dernière a été difficile. Christophe Galtier a su mettre sa patte et des joueurs de grands talents ont été recrutés. Au final, ça donne une équipe qui fait peur à tout le monde. » 

 

Chapecoense à jamais gravé

« J’ai quitté le LOSC en janvier 2014. Après de courtes expériences à Evian TG, puis à Valladolid, je suis ensuite rentré au Brésil, 11 ans après, afin d’être au plus près de ma famille, mais aussi pour découvrir la D1 brésilienne que je ne connaissais finalement pas. Je signe donc à Chapecoense, un jeune club au parcours impressionnant, qui est passé de la D4 à la D1 en 5 ans. J’y vis une saison magnifique au terme de laquelle j’ai l’opportunité de signer à Recife. Là-bas, je réalise un bon début de saison, mais l’entraîneur change et le nouveau m’annonce qu’il n’aime pas jouer avec un point de fixation devant, ce qui représente ma caractéristique première. Je cherche donc à partir, le président de Chapecoense m’appelle et me propose de revenir. Je suis d’accord. Mais au dernier moment, mon entraîneur refuse que je parte, il dit qu’il peut avoir besoin de moi. Deux mois plus tard, le 28 novembre 2016, l’avion de Chapecoense (qui s'apprêtait à disputer le match aller de la finale de la Copa Sudamericana), celui dans lequel se trouvaient mes amis, mes frères, se crashe. (il marque un silence) J’ai été extrêmement choqué par l’accident, je suis resté enfermé chez moi pendant une semaine. Je connaissais 70% des victimes, leurs femmes, leurs enfants. Ils étaient comme ma famille. C’est sans doute le moment le plus difficile de ma vie. Je suis très croyant, tu le sais. Je reste persuadé que Dieu m’a gardé de cette tragédie. »



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Revenir pour aider à rebâtir

« Dès lors, il n’y a plus rien, plus de président, plus d’entraîneur, plus de staff, seuls restent 5 ou 6 joueurs. Deux mois après le drame, un dirigeant de Chapecoense qui n’a pas participé au voyage m’appelle et me propose de revenir pour aider à la reconstruction du club. Je suis le premier joueur qui a été contacté. Je ne pouvais pas dire non. Ma place était là-bas, à Chapecó. J’y suis donc retourné et chaque jour, je pleurais dans le vestiaire. C'était dur, puis le temps a fait son œuvre. Mon but était de laisser le club au même niveau qu’il l’était avant la tragédie. Nous avons remporté le premier championnat d’état, celui du catarinense, comme la saison précédente. C’était déjà une immense performance. Tu imagines ? Toute l’équipe avait été renouvelée. Ensuite, nous avons joué le Brasileirão, le championnat national. Les autres clubs ont même proposé qu’on ne puisse pas être relégués, mais nous avons refusé, nous voulions jouer avec les mêmes règles que les autres. J’ai vécu des moments forts, émouvants. J’ai par exemple marqué le but du maintien puis, trois matchs plus tard, celui de la qualification pour la Copa Libertadores, à la 93ème minute, celui qui nous offre la 8ème place, le meilleur classement de l’histoire du club. J’ai aussi terminé meilleur buteur du club cette saison-là. Mission accomplie. Mon cycle à Chapecoense devait s’arrêter ici, après avoir honoré la mémoire de mes amis. »



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Le Soleil Levant avant de le coucher

190507TDM33_1.png« Je voulais vivre une nouvelle expérience, découvrir l’Asie et notamment le Japon, un pays dont la culture m’a toujours passionné. J’ai donc signé à Fukuoka. C’était une expérience magnifique. J’ai adoré, j’ai même appris le Japonais, mais footballistiquement, la mentalité est trop différente. Là-bas, tu acquiers ta légitimité par ton volume et non par ta qualité de travail. Il faut courir, beaucoup, tout le temps. On s’entraîne énormément, et ce quel que soit ton âge, que tu aies 34 ou 18 ans. Et moi, je ne pouvais plus. Tu sais, j’ai connu 6 chirurgies au même genou. Ça demande beaucoup d’abnégation, de discipline, mais aussi une gestion particulière au quotidien. J’ai donc rapidement compris que je ne pourrais pas m’adapter, car tout cela était culturel. J’ai donc pris la décision de résilier mon contrat après 6 mois. » 

Et la suite ?

« Aujourd’hui, j’ai bien réfléchi, j’ai pris une décision. Et je souhaitais vous l’annoncer en premier, car le LOSC aura été le club le plus important de ma carrière : je prends ma retraite de footballeur, c’est officiel. Voilà, c’est dit. Je pense que c’est le bon moment. Je suis fier de ma carrière, fier aussi d’avoir réalisé cette dernière saison de haut niveau à Chapecoense, mais il faut savoir écouter son corps. J’ai conscience que si je force, je pourrais en subir les conséquences pour le reste de ma vie. Je voulais donc arrêter en bonne santé, profiter de mes enfants, j’ai encore toute la vie devant moi. Je veux maintenant apprendre de nouvelles choses. Je resterai certainement dans le foot, j’ai d’ailleurs déjà eu des contacts. Je ne sais pas encore dans quelles fonctions. Pas nécessairement en tant qu’entraîneur, peut-être plutôt dans une direction sportive. Mais je ne veux pas me précipiter, je veux maîtriser ce que je fais, donc l’apprendre avant de l’appliquer. C’est une nouvelle vie qui commence. »



Et on te la souhaite, riche, Túlio. Merci pour ta disponibilité. Tu seras toujours le bienvenu à Lille.



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Tulio De Melo

Né le 31/01/1985

Attaquant

Clubs :
Atlético Mineiro, Santa Cruz (p.), Aalborg (p.), Le Mans, Palerme, LOSC, Evian TG, Valladolid, Chapecoense, Recife, Chapecoense, Fukuoka



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