​​Objectif "remontada", 10 ans après Copenhague

PAR MAXIME POUSSET

Le 29 août 2012, le LOSC éliminait le FC Copenhague en Barrage retour de la Champions League, au terme d’un inoubliable retournement de situation. Une décénie plus tard, la compétition est la même, mais le tour (1/8ème de finale), l’adversaire (Chelsea) et le score à rattraper (2-0) apparaissent bien plus épineux. Qu’importe les pronostics, impossible n’est pas Lillois ! Dix ans après, retour sur les coulisses de la plus grande "remontada" de l’Histoire européenne du LOSC, avec Tulio De Melo, l’un des héros de la soirée, comme témoin.

Le contexte : Nous sommes à l’été 2012, le LOSC, troisième du dernier championnat de Ligue 1 pour sa toute dernière saison au Stadium, est qualifié pour les Barrages de l’UEFA Champions League. L’adversaire de la bande à Rio Mavuba, Dimitri Payet et Salomon Kalou ? Le FC Copenhague, 2ème du dernier championnat du Danemark. À l’aller, le 22/08/12, les Dogues, maladroits, s’inclinent 1-0 au Danemark. Une semaine plus tard, les hommes de Rudi Garcia sont donc dans l’obligation de retourner le scénario et de s’imposer par au moins deux buts d’écart s’ils veulent voir la phase de groupes. Le rendez-vous est capital, d’autant plus qu’il s’inscrit comme le tout premier match européen de l’Histoire du Stade Pierre Mauroy (alors nommé Grand Stade Lille Métropole). La tension est donc à son comble pour cette deuxième manche devant 42 977 Lillois en tribune.



Tulio, quels souvenirs gardes-tu du match aller au Danemark durant lequel vous vous êtes inclinés 1-0 ?

C’était un pur match piège, difficile, contre une vraie "équipe de coupe" qui voulait elle aussi passer au prochain tour. Nous avions eu les occasions suffisantes pour marquer, mais n’avions pas été réalistes, alors qu’en face, ils avaient su l’être. Mais Copenhague n’avait pas vraiment dominé. C’est justement ce qui nous avait fait croire en nos chances pour le match retour. Nous avions toutes les cartes en mains pour renverser la situation à la maison.



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Ressentiez-vous une pression particulière huit jours plus tard avant ce match retour qui était par ailleurs le tout premier rendez-vous européen du LOSC dans son nouveau stade ?

Oui, on sentait même une double pression. Sportive d’abord, car on sait tous qu’une saison avec la Champions League n’a pas le même visage qu’une saison sans. Et puis on voulait tous la jouer cette compétition. Dans le même temps, on sentait aussi qu’il existait une pression financière pour le club qui avait beaucoup investi au mercato (ndlr : Steeve Elana, Salomon Kalou, Marvin Martin, Djibril Sidibé ou encore Ryan Mendes avaient rejoint le club à l’intersaison) et qui avait absolument besoin de jouer la Champions League dans son nouveau stade. C’était donc déjà un match clé de la saison, même s’il arrivait très tôt. On savait aussi qu’une qualification nous lancerait sportivement, que le climat serait plus serein avec une victoire.



Ce match clé, comment l’avez-vous abordé entre vous ?

Quand on est joueur, on est habitué à subir de la pression. Il y a toujours un peu de stress avant les rencontres, c’est normal. Mais nous avions vécu le match aller, on connaissait l’adversaire, on savait qu’il y avait la place pour passer. C’était donc une pression plutôt normale et surtout très positive avant un tel match, je pense.



L’autre incertitude résidait dans ce nouveau "Grand Stade" que vous ne le connaissiez pas encore très bien.

Oui, nous n’y avions joué qu’un seul match, contre Nancy (1-1, le 20/08/12) quelques jours plus tôt, sans compter quelques séances d’entraînement pour y prendre nos marques. Il fallait s’habituer à notre nouvelle maison. Heureusement, notre public restait le même, mais en plus nombreux. Il nous a poussé tout au long du match. Nous n’avions pas d’autre choix que de nous qualifier, de toute façon. Et sans passer par les tirs au but, si possible.



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Il y a 1-0 à la fin du temps réglementaire (but de Lucas Digne sur un centre de Salomon Kalou), c’est-à-dire une égalité parfaite sur l’ensemble des deux matchs…

Sauf qu’on jouait à domicile et qu’avec l’ancienne règle du but à l’extérieur, Si nous avions pris un but, on aurait alors dû en marquer deux autres derrière, c’est à dire quelque chose de quasi-impossible à réaliser dans le temps d’une prolongation. Ce n’était donc pas facile à aborder, car on devait à la fois attaquer et marquer pour échapper aux tirs au but, mais dans le même temps rester solides derrière pour ne pas prendre ce but qu’on craignait tous.



Comment as-tu vécu cette prolongation ? N’était-ce pas trop dur nerveusement ?

Une fois dans le match, on oublie tout, on est concentré sur ce qu’on peut faire sur le terrain, sur notre propre performance. Moi, ma mission était de marquer ou de faire marquer, d’être décisif pour l’équipe. Dans ces moments-là, tu essayes d’oublier tout ce qu’il y a autour. C’est la meilleure façon d’être performant. C’est quelque chose d’assez naturel chez un footballeur. Si tu commences à penser à autre chose, aux conséquences financières et sportives de tel ou tel score, tu sors de ton match et ce n’est pas bon. La seule chose à laquelle les joueurs doivent penser, c’est ce qu’ils peuvent contrôler, c’est-à-dire leur propre performance. Et grâce à Dieu, nous sommes passés.



Grace à Dieu, mais aussi grâce à toi. Tu nous racontes ton but ?

(il sourit) Je vois Nolan Roux qui reçoit le ballon à gauche de la surface. Il lui arrive mal, il le contrôle difficilement de la tête, mais il parvient à se remettre sur son pied droit en se retournant. Il me voit dans la surface, il centre car il connaît mes caractéristiques. C’est le ballon parfait. J’ai juste à le dévier de la tête sans mettre beaucoup de force. Le ballon prend de la vitesse et touche le sol au moment de rentrer dans le petit filet. C’est très difficile à aller chercher pour le gardien. Dans le stade, c’est l’explosion de joie et pour moi, une émotion énorme. Mais le match n’est pas terminé…



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Car vous êtes toujours sous la menace de ce fameux but qui vous éliminerait…

Oui, on est encore dans la première période de la prolongation (ndlr : il a marqué à la 105ème, juste avant la pause). Il reste au moins 15 minutes à jouer. C’est donc loin d’être terminé. Ça a été l’appréhension jusqu’à la fin, car si on prend un but derrière, on ne parle pas du mien aujourd’hui. Quand on est footballeur, on sait aussi qu’il faut être encore plus vigilant durant les 5 minutes qui suivent un but marqué ou encaissé. C’est prouvé, ce sont des moments de déconcentration durant lesquels la probabilité de marquer ou d’encaisser un autre but est plus grande.



Avec le recul, ce but a-t-il en quelque sorte changé le fil de ta carrière au LOSC ?

Oui, je pense. C’est un but décisif pour moi et pour tout le club à ce moment-là. Il correspond à un nouveau cycle pour le LOSC qui entrait dans le nouveau stade. Il reste aussi le but qui nous offre notre billet pour la Champions League. Pour plusieurs raisons, il est donc marquant dans les esprits du club.



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Revenons à 2022. As-tu vu le match aller entre Chelsea et le LOSC ?

Je n’ai pas pu le regarder mais je l’ai suivi, bien évidemment. Mercredi, j’aurai la possibilité de le voir et je supporterai le LOSC. Pour moi, tout reste possible. On peut dire ce qu’on veut, que Chelsea est très fort. C’est vrai. Mais le LOSC aussi a des joueurs de haut niveau suivis par les plus grands clubs européens. Ça veut dire qu’il y a dans cette équipe lilloise le potentiel de poser des problèmes aux meilleurs. Sans compter que ce groupe joue ensemble depuis un moment maintenant, qu’il se connaît bien, qu’il peut être perforant offensivement, solide défensivement et équilibré dans son ensemble. Enfin, ce sera à la maison, devant un stade entièrement lillois. L’exploit est possible.



Comment va-t-il falloir aborder ce match, selon toi ?

Je pense qu’il faut d’abord se mettre à la place de Chelsea. Que vont-ils faire ? Attaquer ? Jouer derrière et attendre que Lille se découvre pour partir en contre ? Garder la possession du ballon ? Le coach lillois a forcément travaillé sur ces hypothèses. Les joueurs devront donc suivre la tactique mise en place et les consignes de leur entraîneur. Mais en plus de tout ça, il va falloir être très juste techniquement et donner chacun le meilleur de soi. Car en face, les joueurs de Chelsea arrivent avec un résultat positif déjà en poche. S’ils ne font pas un important travail psychologique sur eux même, ils auront tendance à se relâcher, c’est naturel. Alors le LOSC devra en profiter pour donner encore plus. Chaque Lillois devra montrer une envie supérieure, être à 200% et prendre des risques.



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Prendre des risques ?

Oui, ils seront obligés de tenter leur chance, d’oser des choses pour marquer. Il ne faut pas avoir peur d’essayer, de monter d’un cran, de provoquer l’adversaire en un contre un tout en croyant en la solidité de son système défensif. Personnellement, j’ai confiance en lui, alors les joueurs aussi. Il faudra créer le surnombre devant, mais aussi aider dans le marquage. Tout le monde devra être ensemble. C’est le seul moyen d’espérer réaliser l’exploit.



Un autre élément s’avèrera capital : la concentration. Tu confirmes ?

Ah oui, complètement. Surtout dans ce genre de match, contre ce genre d’adversaire. Concentration 95 minutes, 100 s’il le faut. Plus rien ne doit exister d’autre que le terrain, le jeu. Il faut oublier tout le reste. Ça, c’est très important dans les matchs de haut niveau. Si tu es absent une seconde, si tu manques de concentration, il peut se passer quelque chose qui définira le score du match. J’espère vraiment que le LOSC se qualifiera. Je suis actuellement au Brésil pour mon travail (ndlr : il est agent de joueurs). Je ne serai donc pas au Stade Pierre Mauroy mercredi, mais je serai là pour le prochain match du LOSC en quarts de finale de Champions League (sourire).


 

La feuille de match de la dernière "remontada" européenne du LOSC

langfr-800px-Logo_LOSC_Lille_2018.svg_.png LOSC-FC Copenhague téléchargement_3.png 2-0 ap (1-0)

Barrage retour de l'UEFA Champions League 2012-2012

Mercredi 29 aout 2012 – Grand Stade Lille Métropole - 42 977 spectateurs




Buts : Lucas Digne (43’) sur une passe de Salomon Kalou et Tulio De Melo (105’) sur une passe de Nolan Roux



La compo lilloise : Landreau – Béria, Chedjou, Basa, Digne – Mavuba, Martin (Pedretti, 83’), Balmont (Gueye, 105’) – Payet (Roux, 91’), De Melo, Kalou

Remplaçants non entrés en jeu : Elana, Rozehnal, Sidibé, Bruno

Entraîneur : Rudi Garcia