​Lillois puis Lensois. Lui, c’est Dagui Bakari

PAR MAXIME POUSSET

Le derby, sa passion, sa tension, sa pression, il l’a connu plusieurs fois et sous les deux maillots. Il a même marqué avec chaque club. Lillois (1999-2002) puis Lensois, Dagui Bakari (2002-2005) incarne à lui seul l’histoire des LOSC-RCL durant la première partie des années 2000. Il se souvient.

Été 99, un LOSC en reconstruction

« Quand j’arrive au LOSC à l’été 1999, le club est en D2 et Vahid Halilhodzic en est l’entraîneur depuis la saison précédente (1998-1999). Moi, je suis transféré du Mans, en échange d’Olivier Pickeu. Je débarque alors dans un club dont le projet est de reformer une équipe compétitive pour vite remonter à l’échelon supérieur. Pour moi, c’est évidemment un challenge très ambitieux de rejoindre un club avec une telle histoire, dans une grande ville et avec la perspective de peut-être jouer un jour en D1. »



Vahid Halilhodzic, une méthode, un homme

« J’ai un parcours assez atypique puisque je ne suis pas passé par un centre de formation. Il a donc fallu que je travaille toutes les bases (à Amiens, au Mans, puis à Lille). Vahid Halilhodzic était alors un entraîneur qui avait déjà fait du bon boulot lors de ses précédentes expériences. Sa méthode était claire : beaucoup travailler, avec énormément de rigueur. Il nous enseignait les valeurs selon lesquelles on n’obtient rien sans dépassement de soi. C’était très important pour lui. Il a donc fallu mettre le bleu de chauffe. Vahid a toujours véhiculé l’image d’un entraîneur très dur. Pour ma part, j’ai connu une personne humainement très sensible, avec beaucoup de valeurs et qui surtout, ne triche pas. Il a aussi une très grande connaissance du football. »



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Solidité, vitesse, percussion

« Il a fallu s’adapter à une charge de travail très importante sur le plan physique d’abord, mais aussi tactique, mental. Et ça, de l’extérieur, on ne le voit pas. J’arrivais du Mans avec une certaine façon de jouer. J’avais le temps de récupérer de mes efforts après une attaque. Mais avec Vahid, il a fallu redoubler d’intensité. Si tu n’es pas prêt à 150%, tu n’y arrives pas. En plus de donner beaucoup, nous avions une très grosse solidarité sur le terrain. On se battait les uns pour les autres. Notre jeu n’était pas très alléchant, c’est vrai. On jouait avec nos qualités, c’est-à-dire la vitesse et la percussion. On pesait sur la défense adverse pendant 90 minutes, si bien qu’elle finissait bien souvent par lâcher en fin de match. »

 

De la D2 à la Champions League en quelques mois

« On a retrouvé la Ligue 1 à l’été 2000. On l’a là encore abordée avec nos qualités et notre jeu qui consistait avant tout à bien défendre, puis à partir rapidement en contre avec un joueur de pivot. C’était moi. Ce système nous allait très bien et a permis de surprendre beaucoup d’équipes, dont Parme. Nous avons réussi à qualifier le LOSC pour la Champions League pour la toute première fois de son histoire, après une magnifique saison 2000-2001 terminée troisième alors que nous étions promus. »

 

Le sommet d’une carrière

« Beaucoup de joueurs ayant 300 ou 400 matchs de Ligue 1 n’ont jamais disputé la Champions League. Tout ça pour dire que ça représente le summum dans la carrière de tout footballeur. C’est l’élite du foot européen, là où l’on peut évaluer nos compétences, où l’on affronte les meilleurs. C’était une grande et belle expérience, des souvenirs gravés à jamais. »



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De Lille à Lens, un plan limpide… Sur le papier

« Mon agent de l’époque, paix à son âme, était Pape Diouf. Il m’avait signifié plusieurs contacts avec des clubs étrangers, mais aussi avec Lens, une équipe dont le jeu correspondait alors à mon profil et qui s’apprêtait à disputer la Champions League (2002-2003). Le plan était donc de signer là-bas pour jouer une deuxième campagne de Champions League consécutive avant d’éventuellement partir à l’étranger ensuite. Sauf que tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu… Moi qui suis Parisien d’origine, je connaissais la rivalité entre le LOSC et le RCL, mais je n’en mesurais pas l’importance. Lorsque je suis arrivé à Lens, je n’ai pas été accepté par une partie du public. J’avais donc l’intention de renverser la tendance en me montrant décisif, mais pour ça, il faut jouer. Et je jouais peu. C’était donc difficile, l’identité lilloise était collée à mon dos. Pour être bon sur le terrain, il faut être aimé et poussé par ses supporters. D’autant plus que j’avais aussi des divergences avec l’entraîneur. Mais je ne regrette pas d’avoir vécu cette expérience. J’y ai rencontré des gens très sympas et chaleureux, même si footballistiquement, c’était catastrophique pour moi. »

 

Trois fois buteur dans un derby. Et sous les deux maillots

« Pour moi qui suis attaquant, le derby a toujours été synonyme d’objectif but. Il faut marquer, laisser une trace. Je suis fier d’être l’un des rares joueurs à avoir marqué sous les deux maillots lors des derbies LOSC-RCL (NDLR : il a marqué 2 buts pour le LOSC et un pour le RCL). Je suis imprégné par cette atmosphère du derby du Nord. Je suis un vrai ch’ti Parisien maintenant. Je me suis vite identifié aux valeurs. Quand on se bat pour des couleurs, il faut ‘abord se battre pour ses valeurs, comprendre comment fonctionne le club, les supporters… Quand j'ai marqué contre le LOSC avec le RCL (2-1, 25/10/03), je n’ai pas exprimé une joie d’inscrire un but contre Lille, mais une délivrance, un soulagement car je ne jouais pas beaucoup. Pour moi c’était une libération. »

 

Et maintenant ? Plutôt Lillois ou Lensois ?

« Aujourd’hui, je regarde les résultats des deux clubs. Je garde de bons rapports avec les deux. J’ai un peu travaillé dans le recrutement à Lens il y a quelques années, je connais bien Franck Haise et Alou Diarra et je suis content de la saison qu’ils réalisent. Quant au LOSC, je connais aussi plusieurs personnes, dont Olivier Létang, avec qui j’ai joué au Mans. Je suis aussi très content pour eux. J’espère qu’on vivra un bon derby avec des buts et du spectacle. »

 


Dagui Bakari

Né le 06/09/1974 à Paris (75)

Attaquant

International ivoirien

Clubs successifs : Noisy le Sec (1994-1995), Amiens SC (1995-1996), Le Mans UC 72 (1996-1999), LOSC (1999-2002), RC Lens (2005-2005), AS Nancy Loraine (2005)

Palmarès : Champion de France de D2 2000

 


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Que deviens-tu, Dagui Bakari ?

Après une carrière de joueur achevée brutalement en 2005 suite à une visite médicale invalide quelques temps après avoir signé à Nancy, Dagui Bakari a abordé plusieurs domaines dans le cadre de sa reconversion.



« Après ma carrière de joueur, j’ai d’abord été recruteur à Lens, puis éducateur à Valenciennes, avant de devenir entraîneur à Lomme. J’ai arrêté il y a deux ans pour me consacrer à 100% à mon métier de coach sportif et de remise en forme/bien être. Dans mes séances, je propose un peu d’arts martiaux, car j’ai pratiqué l’Aïkido et la boxe anglaise. J’essaye aussi de centrer mon travail sur le mental. Mon parcours me permet d’avoir cette approche. J’ai fait mes armes « dans la rue », sans passer par un centre de formation. Mentalement, j’ai donc dû être très fort pour passer pro. Ensuite, j’ai parfois fait face à pas mal de critiques durant ma carrière. Cela m’a forgé, même si ça peut faire mal parfois. »