Gabriel Gudmundsson, le style scandinave
PAR MAXIME POUSSET
Depuis quelques semaines, le public lillois a découvert avec enthousiasme cet athlétique et percutant latéral gauche dont il ne sait pas encore bien prononcer le patronyme. Lui, c’est Gabriel Gudmundsson, 22 ans, Suédois venu des Pays-Bas et dont le brillant avenir s’écrit à Lille. Interview-portrait d’un jeune footballeur au jeu simple, épuré et efficace, dans le plus pur style scandinave.
Né au pays de Zlatan d'un pere international suédois
Et si Gabriel Gudmundsson avait été Anglais ? L’hypothèse n’est pas si farfelue. Après tout, s’il avait vu le jour deux ans plus tôt, le polyvalent latéral gauche des Dogues aurait pu être un citoyen du royaume de Sa Majesté Elizabeth II. Mais le jeune garçon est né un jour d’avril 1999 en Suède, pays de ses parents où son père, Niklas, ex-footballeur international (7 sélections) était revenu jouer en 1997, après une saison et demie en Premier League (Blackburn, puis Ipswich). Tout commence donc à Malmö où son papa évolue alors, au moment même où un jeune joueur nommé Zlatan Ibrahimovic commence à pointer le bout de son nez chez les pros, aux côtés du paternel. Mais l’histoire de celui qu’on surnommera très vite "Gabbe" (prononcez Gaby) débute véritablement 130 kilomètres plus au nord, à Halmstad, fief du clan Gudmundsson. « Ma famille est originaire de cette ville. J’y ai passé toute mon enfance. J’y ai tous mes proches, mes amis. J’y suis très attaché. »
Happy 12th Birthday to former Rovers player Niklas Gudmundsson pic.twitter.com/JOkSSIfYNz
— 4,000 Holes (@roversfanzine) February 29, 2020
FILS, frere, cousin de footballeur
Quand on grandit dans le sillage d’un papa footballeur, difficile d’échapper au ballon rond. Le jeune amoureux de sport est d’ailleurs du genre déterminé. « Quand j’étais enfant, je savais exactement où je voulais aller, ce que je voulais faire. J’avais un rêve, celui de devenir l’un de ces footballeurs qu’on voit à la télé. J’étais tout le temps dehors avec mes copains, que ce soit à l’école, en dehors, à l’entraînement. Pour nous, le foot a toujours été quelque chose de naturel. » Il prend sa première licence au Snöstorp Nyhem FF, un petit club de cette ville de 70 000 âmes située au sud du long pays scandinave. « Vers onze, douze ans, j’ai commencé à voir que j’avais peut-être besoin de franchir un palier dans un centre de formation d’un club professionnel. J’ai donc suivi mon coach, qui partait au Halmstads BK. C’était un moment important pour moi de rejoindre le plus grand club de la ville. »
Formé à la même école que Freddie Ljungberg
Comme son père 30 ans plus tôt, comme son cousin (Alexander Arvidsson) au même moment ou encore comme son jeune frère, Johan, actuellement, c’est sous le maillot bleu et noir du HBK (qui a notamment formé Freddie Ljungberg, Petter Hansson, ou Niclas Alexandersson) que Gabriel effectue ses premiers pas, même s’il refuse d’être comparé au paternel. « Sur le terrain, mon père avait des caractéristiques qui ressemblent aux miennes. C’était un joueur rapide, gaucher, qui évoluait attaquant, un poste où j’ai aussi commencé. Mais il a fait sa carrière. Maintenant, c’est à mon tour de faire la mienne. Ce sont deux choses différentes, je ne veux pas être comparé à lui. » Reste qu’avoir un papa ancien pro aide forcément dans l’approche du métier. « On a toujours beaucoup parlé de foot à la maison, d’autant qu’il était mon entraîneur en club quand j’étais petit. Aujourd’hui, il nous arrive encore d’évoquer de mes performances, quand il regarde mes matchs, mais il sait aussi que j’ai suffisamment d’aides et de conseils au LOSC, dans un club très professionnel avec un staff très performant. Il est d’ailleurs déjà venu me voir jouer une fois au Stade Pierre Mauroy. »
Encore ado et déjà chez les pros
Reprenons le fil de l’histoire. 2015 : le jeune homme est à peine sorti de l’enfance, qu’il figure déjà parmi les meilleurs espoirs de son club. Assez pour faire de lui le benjamin du groupe pro. « J’ai commencé à m’entraîner avec l’équipe première quand j’avais 15 ou 16 ans, avant d’effectuer mes débuts en match officiel vers 17 ans. Au départ, je devais cumuler les entraînements avec le groupe pro en même temps que l’école, les devoirs, les examens. Pas simple. En Suède, on termine le lycée vers 19 ans. Je suis donc resté au moins trois ou quatre ans dans cette situation. Heureusement, j’ai pu compter sur une bonne collaboration entre mon club et mon école pour m’en sortir. »
Dans les pas de Suarez et van Dijk
Premier match, première titularisation, premier but, première accession en première division, puis première relégation. Les matchs s’enchaînent et l’expérience s’accumule. En 2019, direction les Pays-Bas et un premier transfert au FC Groningue pour ce prometteur ailier droit de 20 ans, considéré comme la révélation de la D2 suédoise. « J’avoue que ça n’a pas été facile au début. D’abord parce que je quittais mes parents, mon pays, mes repères. Je me suis retrouvé seul dans un nouvel environnement, avec une autre langue. Mais quand on est footballeur, on peut compter sur beaucoup d’aide de la part de notre club. Je suis donc content d’avoir pu bénéficier de ce soutien alors que j’étais loin de ma famille. Et puis heureusement, j’avais ma copine à mes côtés. Nous sommes ensemble depuis 5 ans aujourd’hui. » Le jeune attaquant découvre les joutes de la rigoureuse Eredivisie néerlandaise sous le même maillot que Luis Suarez ou Virgil van Dijk quelques années plus tôt.
D’ailier droit à… Arrière gauche
Un jour, Danny Buijs, le jeune entraîneur du FC Groningue (37 ans à l’époque) décide de le positionner latéral gauche dans une défense à 5 (puis par la suite à 4), lui l’ailier droit, attaquant depuis toujours, fils de buteur, recruté quelques mois plus tôt par le club néerlandais à ce poste offensif…. « Sur le coup, j’avoue que j’étais surpris, je ne l’aurais jamais imaginé. Mais en même temps, je savais que j’étais un joueur assez rapide. Et quand j’ai vu que mes premières prestations en position d’arrière gauche étaient plutôt bonnes, que je m’y sentais à l’aise, je me suis vite dit que ce nouveau poste était fait pour moi. Si je suis ici au LOSC aujourd’hui, c’est d’ailleurs grâce à mes prestations en tant qu’arrière gauche. Je l’ai donc rapidement accepté. » Le percutant latéral offensif s’impose dès lors comme l’une des plus grandes pépites à son poste de ce championnat qui figure parmi les plus scrutés de la planète foot. Tout s’enchaine, Gabbe participe activement à la bonne saison du club vert et blanc en 2020-2021 (7ème) en distillant plusieurs passes décisives, notamment. Les sollicitations pleuvent. La suite, ce sera la France, Lille, le LOSC où il signe le 31 août dernier à quelques minutes de la fin du mercato, devenant au passage le troisième Suédois de l’Histoire du club après Kennet Andersson (1993-1994) et Emra Tahirović (2007-2008).
« En France, tout va plus vite »
« Comment je me sens dans ma nouvelle vie ? Très bien ! Très excité ! Lille est une ville magnifique, ni trop grande, ni trop petite pour ma compagne et moi. Nous sommes vraiment heureux d’être là et allons bientôt commencer à prendre des cours de Français. C’est important pour nous. Lille, comme Groningue d’ailleurs, est une ville beaucoup plus grande qu’Halmstad. Tout est donc plus grand, la ville, le club. Concernant le climat, je dirais qu’il est meilleur ici. En ce moment, en Suède, il fait vite nuit l’après-midi, mais globalement, il n’y a pas tant de différence que cela. »
Dix jours après avoir apposé sa signature en bas d’un contrat le liant avec le LOSC pour les 5 prochaines saisons, le nouveau numéro 5 lillois est lancé par son coach dans le grand bain de la Ligue 1 (Lorient-LOSC, 10/09/21), au cœur d’un championnat forcément différent de ce qu’il a connu jusqu’à présent : « Sur le terrain, le foot français est plus physique que ce qu’en Suède et aux Pays-Bas. C’est vraiment la première impression que j’ai eue en arrivant. Tout va aussi beaucoup plus vite. Tu as moins de temps avec le ballon. Tout est donc… J’allais dire plus dur, mais je préfère dire meilleur. Avec l’équipe, on peut voir que ça va de mieux en mieux depuis plusieurs semaines. On commence à prendre plus de points en championnat. À titre personnel, j’arrive aussi de mieux en mieux à comprendre et à me faire comprendre, à m’adapter à notre façon de jouer, à ce que le coach attend de moi. Je reçois beaucoup d’aide de la part de tout le monde. Je suis dans une équipe avec beaucoup de talents et des gens bien autour. Vraiment, je suis heureux. »
La Champions League en attendant la sélection ?
La découverte de la Ligue 1 sous le maillot du champion en titre, mais aussi de la prestigieuse Champions League où il a effectué ses premiers pas le mois dernier (Salzbourg-LOSC, 29/09/21). « C’était un beau moment pour moi. Quand j’étais petit, je rêvais de ça. Bien sûr, ce n’est pas ce match-là que j’aurais aimé garder dans ma mémoire. Je pense vraiment que nous aurions dû obtenir un meilleur résultat et que nous méritions mieux. J’en retire malgré tout une grande expérience, ça me donne énormément d’énergie pour aborder le prochain avec encore plus de détermination. »
Par-delà la coupe aux étoiles, le rêve de tout footballeur professionnel n’est-il pas de porter les couleurs nationales chez les A ? Un objectif clairement identifié pour celui qui a déjà évolué en sélection suédoise dans toutes les catégories d’âge, des U17 aux Espoirs. « Bien sûr que j’espère jouer un jour en équipe nationale. Le plus tôt possible, même. Mais ce n’est pas encore le moment. Pour l’instant, je ne me focalise que sur mes performances avec le LOSC. C’est un rêve pour moi, un objectif. Mon père a porté le maillot de la Suède. J’ai envie de vivre cela moi aussi. » Ce serait une belle histoire. Une de plus dans sa trajectoire.
Gabriel Gudmundsson
Né le 29/04/1999 à Malmö
Âge : 22 ans
Poste : Défenseur latéral gauche
Numéro : 5
Clubs successifs :
Snöstorp Nyhem FF
Halmstads BK (2016-2019)
FC Groningue (2019-2021)
LOSC (depuis 2021)
International U17, U18, U19, U20, puis Espoirs suédois