​Oudjani, Dogue aujourd’hui, héros de la CAN hier

PAR MAXIME POUSSET
 
En 1990, il faisait chavirer le cœur de toute l’Algérie par son but en finale de la Coupe d’Afrique des Nations. Aujourd’hui, Cherif Oudjani est l’adjoint de Patrick Collot à la tête du LOSC. L’ancien attaquant des Fennecs garde forcément une tendresse particulière pour la compétition phare du football africain. Il nous en parle et ne manque pas de débriefer les performances des cinq Lillois engagés dans le tournoi.

L’importance de ne pas perdre d’entrée

« Toutes les équipes ont enfin joué et à l’issue de cette première journée, on constate qu’aucun des cinq Lillois (Sliti, Obbadi, Mendyl, Bissouma, Koné) n’a gagné. C’est la preuve que le premier match est toujours compliqué pour une sélection. Mais il possède pourtant un caractère capital. Et avec le recul, je pense vraiment qu’il vaut mieux éviter de le perdre, au risque d’accuser un retard parfois fatal en vue d’une qualification. Prenons le cas des Marocains, par exemple. Si au bout du compte ils se retrouvent à égalité avec la RD Congo pour une place en quarts, ils seront éliminés à cause de leur défaite contre ces mêmes Congolais (2-0). Quelque part, ils n’ont pas perdu trois points mais presque quatre en s’inclinant d’entrée. »



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Un max’ d’expérience engrangé

« Je n’ai pas regardé tous les matchs, j’ai un peu survolé cette première journée et j’ai vu que contrairement à Mounir (Obbadi), Hamza (Mendyl) avait joué (Maroc-RD Congo, 0-1) et qu’il s’était montré intéressant avec cette capacité à prendre son couloir et à se montrer actif offensivement en offrant des solutions. Quant à Naïm, je n’ai pas vu sa prestation (Tunisie-Sénégal, 0-2), mais on connaît ses qualités et sa créativité. Il est capable de déstabiliser l’adversaire par la passe ou le dribble. Pour ce qui est d’Yves Bissouma (Mali-Egypte, 0-0), il est entré en fin de partie et s’est lui aussi montré intéressant. À l’image de Youssouf (Koné), Hamza ou même Naïm, il débute en sélection et se trouve toujours en phase de découverte. Tout ce qu’il vivra sera du bonus, de l’expérience. En cas d’élimination précoce, il ne sera pas en première ligne dans les critiques. »

L’Egypte comme trouble-fête ?

« Cette première journée de la CAN révèle aussi que les "gros" ont eu du mal et n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière. Les favoris sont préparés pour monter en puissance, à la différence des plus petites équipes qui seront au top tout de suite, mais qui peuvent être amenées à manquer de fraicheur en cas de qualification. Mais les grandes nations seront au rendez-vous, même s’il y aura toujours des surprises. Je vois bien l’Egypte se démarquer en compagnie des autres favoris que sont le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Ghana. L’Algérie ? Elle possède pas mal de talents offensifs mais concède beaucoup d’occasions. En général, quand votre gardien est trop souvent décisif, c’est qu’il existe un déséquilibre quelque part. Cette équipe peut viser le dernier carré, mais à condition de resserrer sérieusement la vis derrière. En tout cas je souhaite de tout cœur la voir aller loin. » 

Unique buteur…devant 114 000 personnes

« La CAN reste une compétition spéciale pour moi. J’ai eu la chance de la jouer, de la gagner et même de marquer l’unique but en finale. C’était en 1990, chez nous en Algérie, face au grand Nigéria de Yekini, Amokachi ou Okocha. Ça reste un fabuleux souvenir, même si malheureusement, il s’agit aujourd’hui encore du seul titre de l’équipe nationale algérienne. Une image forte me revient, celle du moment juste avant les hymnes. Un hélicoptère de sécurité survolait le stade. On le voyait, mais on ne pouvait pas l’entendre, tellement il y avait de bruit. Vous vous rendez compte ? Un hélicoptère, quand on sait le boucan que ça fait normalement. Il faut dire qu’il y avait ce soir-là 114 000 personnes dans les tribunes... » (véridique, on a vérifié !)



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Oudjani, le Eder algérien

« Mais ce qui m’aura le plus marqué reste forcément mon but, très beau d’ailleurs, alors que j’étais plutôt habitué aux buts de raccroc (sourire). Quand j’ai vu le ballon rentrer, j’étais dans un état second. Toutes proportions gardées, j’ai vécu un peu la même situation qu’Eder avec le Portugal l’été dernier, celle d’inscrire l’unique but en finale qui offre le premier titre à ta nation. Aujourd’hui encore, 26 ans après, on m’en reparle toujours en Algérie. Les plus anciens me reconnaissent, mais pas les jeunes, même si mon nom leur dit quelque chose quand ils l’entendent. »



 



 


Quatre champions restés à la maison

La statistique témoigne à quel point le LOSC possède une histoire forte et commune avec le football africain. Au sein du club lillois, ils sont quatre à avoir déjà soulevé la Coupe d’Afrique des Nations au cours de leur carrière. Et aucun d’entre eux ne participe à l’édition 2017.



Si vous aviez bien entendu identifié l’Algérien Cherif Oudjani, le premier de la bande à avoir soulevé le prestigieux trophée africain en 1990, il a récemment été suivi par le Zambien Stoppila Sunzu (2012), puis le Nigérian Vincent Enyeama (2013) et l’Ivoirien Junior Tallo (2015).

 

Interrogé à ce sujet, le défenseur zambien se souvient : « Pour moi, cette victoire à la CAN représente le moment le plus fort de ma carrière. Aujourd’hui, tout a changé, tout a progressé pour notre sélection suite à ce titre. C’était une surprise, personne n’était préparé à la gagner. On a offert à notre pays son premier titre. Avant 2012, les Chipolopolos n’avaient pas fait mieux qu’une demi-finale perdue contre le Nigéria (1-0) en 1990. C’était donc incroyable à vivre. J’en garde le souvenir d’une grande fête. Aujourd’hui encore, tout le monde m’en parle et on m’en parlera pour toujours, on ne peut pas l’oublier. Bien sûr que nous sommes des stars chez nous (il rigole). Quand vous gagnez la CAN, vous devenez forcément une vedette en Afrique. »



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En 2015, Vincent Enyeama s’était longuement confié à propos de son parcours avec les Super Eagles et notamment cette victoire à la CAN 2013 : « En 2013 (victoire face au Burkina Faso, 1-0 en finale), je réalise enfin ce rêve. Gagner un trophée n’est pas quelque chose qui arrive par hasard, ça se mérite et c’est toujours intense, en club comme en sélection. Mais cette fois-là, mon plaisir a été multiplié par cinq ou dix, c’est vrai ! Je pouvais enfin caresser cette Coupe d’Afrique des Nations, après cinq participations. On a beaucoup parlé de ma célébration au moment du coup de sifflet final (fou de joie, il avait enlacé les jambes de l’arbitre, comme pour le soulever). Je l’ai vécu comme un aboutissement, un grand sentiment de… (il pousse un long souffle de soulagement). On réalise soudain que : « Ça y est, c’est fait, je l’ai dans mon palmarès ! »



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